samedi 23 février 2013


Interview d'Hélène David-Weill dans le monde.fr du 15/02/13 lien
Hélène David-Weill : "Les vrais mécènes sont une espèce en voie de disparition"

Comme le pape Benoît XVI, lundi 11 février, Hélène David-Weill, présidente, pendant dix-huit ans, des Musées des arts décoratifs – qui regroupent le Musée des arts décoratifs, sa bibliothèque, et les ateliers du Carrousel, installés dans les ailes de Rohan et de Marsan du Palais du Louvre, mais aussi le Musée Nissim de Camondo et l'Ecole Camondo, spécialisée dans la formation au design et à l'architecture intérieure –, a choisi de démissionner.

Votre première initiative en 1994, comme présidente des Musées des arts décoratifs, a été de fermer pour travaux. C'était un pari risqué ?

Il fallait tout fermer, tout refaire d'un coup. On ne pouvait plus se contenter d'interventions cosmétiques. Il a fallu rendre à la nef – qui était obstruée – sa splendeur d'origine, décloisonner un peu partout, et repenser le parcours des collections... Il fallait donner un écrin à la mesure des trésors que recèle cette institution : des collections d'une richesse éblouissante, l'Ecole Camondo d'architecture intérieure d'où sont sortis Philippe Starck ou Wilmotte, une bibliothèque d'art ouverte au public avec 8 000 volumes...

A l'époque, il y avait peu d'argent, comment avez-vous fait ?

J'ai pris mon bâton de pèlerin. A chaque occasion, entre New York et Paris, je vantais les mérites et les beautés de ces objets, fruits de la main de l'homme. Les étrangers sont très à l'écoute. Pour nombre d'entre eux, les Arts décoratifs, c'est l'esprit de Paris, c'est l'expression d'une culture du raffinement. Je pense, comme eux, qu'un bois tourné, qu'un morceau d'ivoire sculpté peuvent être aussi beaux qu'une peinture. Les Arts décoratifs, c'est le seul art qui s'intéresse à la vie quotidienne, et qui mêle la recherche du beau à l'utile.

Les Noailles sont considérés comme les derniers grands mécènes français, comme en témoigne l'exposition qui leur est consacrée jusqu'au 28 février, à la Villa Noailles, à Hyères. Qu'en est-t-il aujourd'hui ?

Quand j'ai décidé de fermer le musée de 1996 à 2006, on avait très peu d'argent. Je suis encore émue et épatée car j'ai trouvé de vrais mécènes chez les étrangers, auxquels j'ai vendu l'idée d'un Musée des arts décoratifs digne de ce nom, à Paris. Le comité international est venu après, pour les remercier et les fidéliser. La famille Rothschild ou celle de mon mari, les David-Weill, nous ont aussi aidés. Il est vrai que les particuliers philanthropes, comme eux, se font rares. Bien sûr, nous avons des entreprises qui financent tel objet ou telle rénovation, pour leur communication. Mais les vrais mécènes sont une espèce en voie de disparition : trop d'impôts, la crise, que sais-je encore... ?!

Avez-vous des préférences esthétiques ?

Pour moi, la France a eu deux siècles miraculeux : le XVIIIe siècle avec un sens inouï de l'équilibre – ni trop, ni trop peu, comme une réticence de l'excès –, puis les années 1930 avec de nouveau un sens de la rigueur et l'excellence dans le choix des matériaux. Autrefois, les talents venaient tous à Paris, la ville des Lumières. Désormais, ils sont partout sur la planète.

C'est pourquoi il est important de conserver et de transmettre ce que nous avons de mieux. Le fait que Chanel ait racheté plumassier, bottier et autres brodeurs, est une bonne chose. Je sens une envie nouvelle de beauté, de raffinement de la part de nos contemporains. Les Arts décoratifs qui étaient un temps tombés en désuétude ressuscitent. Ils intéressent un nombre grandissant d'élèves. Créer, posséder ou admirer un bel objet, c'est déjà une marche vers le bonheur.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire